PIERLUCA (1926-1968)
Pierluca degli Innocenti nait le 22 avril 1926 à Florence où il passe sa jeunesse et fait ses études. En 1946, il commence à travailler dans l’atelier du sculpteur Angelo Vennetti, voisin et ami de la famille, qui lui enseigne les diverses techniques de sculpture. Inscrit à l’Ecole de Sculpture de l’Académie des Beaux-Arts de Florence, qu’il fréquente de 1948 à 1951, il reçoit le prix du Ministère de l’Instruction Publique pour l’éxecution de deux bas-reliefs.
Après avoir créé en 1951 son propre atelier de sculpture à Florence, il épouse en 1953 Ira Bernardini, peintre, qu’il a connue à l’Académie des Beaux-Arts. Il réalise alors diverses sculptures pour l’architecte Leonardo Ricci, chargé de cours à l’Université d’architecture de Florence, qui, en remerciement, dessine pour lui les plans d’une maison-atelier sur la colline de Monterinaldi, face à Fiesole. Pierluca travaillera personnellement à la réalisation de la construction.
En 1953 a lieu sa première exposition personnelle. De 1954 à 1958, il dirige la restauration des vitraux anciens endommagés pendant le seconde guerre mondiale, notamment ceux de Santa Maira del Fiore à Florence, de la cathédrale de Pérouse et de la basilique d’Assise.
A cette époque, Pierluca commence à travailler les métaux mais son activité de restaurateur lui laisse peu de liberté. Cependant, il compose la première série de ses poèmes inédits, le Temps de la peine.
C’est en 1958 qu’il abandonne ses travaux sur les vitraux pour se consacrer à la sculpture du métal travaillé au chalumeau oxhydrique. De cette époque date le début d’une série de sculptures résultant de la combinaison de plusieurs métaux, les Agressions.
La nécessité de contacts stimulants avec un milieu artistique plus large le conduit à envisager de quitter l’Italie. C’est le Temps de la révolte, exprimé dans une nouvelle série de poèmes.
En 1960, Pierluca s’installe avec sa femme et ses enfants à Bois-d’Arcy, près de Versailles. Il y commence une nouvelle série de sculptures, les Lacérations, qui s’achèvera en 1965 avec la Grande Lacération donnée par les étudiants de l’Univeristé de Groningue à cette ville.
En 1962, il compose son troisième recueil de poèmes, le Temps de la participation et, en 1965, entreprend des sculptures sur le thème du Crime Collectif.
A partir de son installation en France, Pierluca participe chaqua année à de nombreuses expositions de groupes. Son œuvre fait aussi l’objet de plusieurs expositions personnelles dont la dernière en 1968, à la Galerie darthéa Speyer, prend le caractère d’un hommage posthume puisque le sculpteur est mort accidentellement en août 1968 en Espagne.
« J’ai beaucoup aimé ce doux florentin aux dents de fauve. J’ai souvent observé que l’on peut reconnaître un sculpteur à son physique : Arp était grand et tout chez lui, son visage surtout, était aussi poétiquement arrondi que les formes qu’il a créées ; Giacometti, maigre au visage ravagé, tout modelé en petits volumes ; Moore tout en armatures osseuses, solides et cavernaires. Mais je ne veux pas développer cette théorie qui peut sembler prétentieuse, sinon dire que le jour où j’ai rencontré Pierluca pour la première fois à Venise en 1960, il m’a suggéré tout de suite cette violence maîtrisée, comme arrachée avec les dents, que j’ai ensuite retrouvée dans ses « lacérations ».
Une forte personnalité, avec un sens monumental et quasi théâtral, comme il arrive fréquemment chez les artistes italiens.
Peu de temps après, quand il est venu à Paris et m’a visité dans mon atelier de Montrouge avec ses amis Berrocal, Piqueras et Rodriguez-Larrain, a commencé notre amitié. J’ai admiré son courage de quitter l’Italie pour venir vivre ici avec sa femme et ses enfants. Paris était dur, difficle à pénétrer, encore peu sensible à la sculpture. Je lui ai conté mes propres années difficiles, huit ans avant d’émerger. Nous nous sommes visités, avons commencé notre travail, et j’ai vu avec un grand intérêt l’évolution de son œuvre, le passage des lacérations à des formes plus sculpturales et mêmes des analogies entre nous, comme dans cette sculpture du Crime Collectif qui avec sa concavité et comme des tenailles qui tendent à se refermer n’est pas sans rapport avec mon Annonciatrice. Cette coïncidence était d’autant plus frappante que nous avions des techniques totalement différentes, sinon opposées.
En quelques années, le talent si prometteur de Pierluca a donné naissance à l’œuvre la plus personnelle, et à la fois la plus aboutie, parmi les jeunes sculpteurs qui se sont affirmés à Paris après 1960 ».
Alicia Penalba, Paris 1975
Quand je repense à pierluca, l’amitié qui me relie à lui se confond avec tout ce que j’aime du génie italien. Beaucoup de ses traits, dont je me souviens, ne répondent pas à l’image facile qu’on se fait trop souvent de nos voisins aimables, mais me rappellent davantage les qualités spécifiques de l’humanisme italien, où s’ajoutent la rigueur exemplaire et la sensibilité en éveil. La sensibilité de Pierluca n’avait rien d’esthétique, elle était grande ouverte à la souffrance de ce monde. La souffrance des autres c’était sa souffrance, et son œuvre me semble porter les déchirures d’un univers malheureux, mais qui se souvient à travers les grands contours harmonieux, que nous sommes aussi fait pour le bonheur et la sérénité.
Pierluca nous a quittés au milieu de ce combat pour la forme et le fond de la vie. J’aurais aimé connaître la suite, quoique son œuvre nous apparaisse aujourd’hui comme accomplie et achevée. Elle se situe à la première place de sa génération.
Pierluca m’a laissé un souvenir sans tache. Rien n’est jamais venu troubler nos rapports qui étaient d’amitié et de compréhension.
François Stahly, Paris 1975
Mon ami Pierluca,
Je ne peux oublier ce jour de 1968 quand, dans la chaleur d’août, avons appris, nous sculpteurs, travaillant à Carrae, la disparition de Pierluca.
Ce fut un coup de masse qui m’atteignit de plein fouet. L’ami s’était volatilisé, enlevé par la force irrémédiable de la mort …
C’était la présence de l’ami qui s’était désintégrée, mais aussi pour nous qui étions proches de ses recherches, l’œuvre qui aurait pu atteindre des sommets, à jamais inaccessibles.
Il avait dominé sa matière, il était pas ses dernières œuvres entièrement maître de l’espace, il était parfaitement seul et original dans sa démarche, vrai et libre face à la vie et au drame de l’homme.
Avec le recul, malgré l’immense regret de ne voir aujourd’hui toute l’œuvre qu’il aurait fait, je suis persuadé de la valeur impérissable de cette rétrospective et du message qu’il nous transmet.
Antoine Poncet, Musée Rodin, Paris, 1975
Expositions personnelles
- 1953 – Galerie Numero, Florence
- 1959 – Galerie Numero, Florence
- 1961 – Galerie Lorenzelli, Milan
- 1963 – Galerie XXème siècle, Paris
- 1965 – Galerie Internationale d’Art Contemporain, Paris
- 1966 – Rotterdamsche Kunstring, Rotterdam ; Fondazione Querini Stampalia, Venise
- 1968 – Galerie Darthéa Speyer, Paris
- 1969 – Galerie Lorenzelli, Bergame
Expositions collectives (sélection)
- 1954 – Galerie Numéro, Florence ; Art Club, Macerata
- 1959 – Galerie Pagani, Milan
- 1960 – Genève
- 1961 – Milan, Bréra – Antiprocès ; Carnegie International, Pittsburg
- 1962 – Galerie Lorenzelli, Milan, Galerie XXeme Siècle, Paris
- 1963 – MNAM, Paris ; Musée Rodin, Paris, Salon de la Jeune Sculpture, Paris ; Palais Strozzi, Florence ; Galerie Lienhard, Zurich, Galerie Lucien Durand, Paris
- 1964 – Salon des Réalités Nouvelles, Paris ; Musée Rodin ; Corocran Gallery, Washington ; Biennale de Venise ; Documenta III, Cassel ; Cercle culturel de Royaumont
- 1965 – Musée de Middelheim, Anvers ; Galerie Numéro, Florence ; Galerie Claude Bernard, Paris
- 1966 – Grands et Jeunes d’Aujourd’hui, Paris ; Salon de Mai, Paris ; Salon de la Jeune Sculpture ; Sculptures de l’Ecole de Paris, Edimbourg, Manchester, Bristol.
- 1967 – Salon des Réalités Nouvelles ; Carnegie International, Pittesburg ; Salon de Mai, Musée des Beaux-Arts de Dijon ; Biennale de Carrare ; Biennale de Paris
- 1968 – Musée des Beaux-Arts de Caracas
- 1969 – Salon de Mai, Toulouse, Exposition Universelle de Montréal
- 1972 – Salon de Mai ; Galerie Darthéa Speyer, Paris
Bibliographie
- « Sculture di Pierluca », A. Boatto, Rome 1959
- « Pierluca » A. Boatto, Florence, 1960
- « Le lacerazioni di Pierluca » G. Marchiori, Milan 1961
- « Pierluca » M. Valsecchi, Milan 1961
- « Pierluca : Les Lacérations » J. J. Levêque, Paris, 1963
- « Les Lacérations de Pierluca » M. Conil Lacoste, Paris 1963
- « Les Lacérations de Pierluca » G. Marchiori Paris 1963
- « Le Fantastique infernal de Pierluca » C. Rivière, Paris 1965
- « La sculpture dénonciatrice de Pierluca » M. Conil Lacoste, Paris 1965
- « 5 sculptures de la Série : Le Crime Collectif », Galerie Internationale, Paris, 1965
- « Pierluca » Hermann Swart, Rotterdam 1966
- « Pierluca », G. Marchiori, Fondazione Querini Stampalia, Venise 1966
- « Celui qui a sculpté la souffrance dans l’acier », R. Barotte, L’Intransigeant, 1968
- « La Sculpture à Paris », J. Lipsi, Galerie des Arts, 1968
- « Pierluca », M. Peppiatt, Art International, 1969
- « Nouveau Dictionnaire de la Sculpture Moderne » Ed Hazan 1970
- « Pierluca » Catalogue de l’exposition au Musée Rodin, Paris 1975