Robert Helman (1910-1990)
Né en Roumanie, habite à Paris depuis 1927, et se consacre entièrement à la peinture en 1938. Réfugié à Barcelone pendant la guerre, il fait sa première exposition personnelle à la Galerie Victoria, avec une préface de Bernard Dorival. Il étudie à la même époque la fresque et gardera de cette expérience un goût certain pour le graphisme et l’équilibre de l’espace monumental. En 46 a lieu sa première expo parisienne à la Galerie Berri-Raspail où par des paysages imaginaires il aborde l’informel, l’écriture lyrique, non figurative. Les formes rythmées et cernées structurent déjà son style propre. Par son graphisme et sa plastique, son geste instantané et rythmé, ses toiles, inspirées de la nature, expressives et énergiques, donnent à la peinture d’Helman un caractère mystérieux, parfois violent, mais toujours puisé dans sa volonté d’exprimer ses sensations sensorielles et organiques. Ses compositions équilibrées par la ligne et la couleur traduisent sa découverte toujours renouvelée des mouvements généraux de la vie, des cycles naturels. Helman dira : « Je n’ai pas trouvé, pour la perception de la vie, d’autre mode que ma propre introspection ». Soupault le décrit même comme un peintre de l’ultimatum à perpétuité. Les plus simples vérités naturelles animent son œuvre. Toutes ses séries de 1950 à 1975 (Genèse, Figures, Racines, Branches, Rythmes, Arbre, Forêt, Espace, Envols, Unité) sont des hommages au mystère de la vie, à la magie de la nature et de ses éléments, au climat affectif et lumineux (pour reprendre ses propres mots) de l’environnement. Le critique Denys Chevalier qualifiera l’artiste comme étant un de ceux qui « a su le mieux restituer à autrui les élans tumultueux, généreux, contradictoires, mais toujours également passionnés, d’un monde intérieur absolument personnel ». Pour le peintre enfin, traiter l’insaisissable est son propre champ spirituel.
Principales expositions particulières
-Galerie Breteau 1947 et 1949 (préface de Georges Boudaille)
-Galerie Louis Manteau, Bruxelles, 1948
-Galerie Mouradian et Valloton, Paris, 1952 et 1956
-Galerie Henri Bénézit, 1955 et 1957
-Galerie Blu, Milan, 1961 et 1965
-Galerie Beno d’Incelli, Paris, 1963, 1965, 1968 et 1972
-Galerie Verbeke 1974 et 1975 Mais aussi à Alger, Montréal, Chicago, Venise, Stuttgart, Naples, San Francisco, Lausanne, Tel Aviv, New York, Genève, Nice, Grenoble,…
Expositions collectives
Salons des Surindépendants, d’Automne, des Tuileries, de l’Ecole de Paris, de Mai, des Réalités Nouvelles, Comparaisons, … Musées MAM Paris, Tate Gallery, Staadtmuseum Stuttgart, Saint Paul de Vence, Cagnes, Turin, Tel Aviv,…
Bibliographie
-Helman par Philippe Soupault, 1959
-Helman par Jean Bouret, 1951
-Les Forêts par André Verdet
-Ecole de Paris, Raymond Nacenta
-Helman par Max Pol Fouchet, cercle d’art, 1975
Et encore nombreux textes de Raymond Cogniat, Henri Gali-Carle, Giuseppe Marchiori, Charles Estienne, André Parinaud, Pierre Descargues, Jacques Lassaigne, Pierre Restany, Pierre Cabanne, Maurice Nadeau,…
Articles
Le récent livre de Philippe Soupault, consacré à l’oeuvre du peintre Robert Helman, vient fort opportunément attirer l’attention sur la qualité des recherches plastiques entreprises par cet artiste auquel La Hune organisa récemment une très belle exposition de gouaches et dessins. Toutefois, ce n’est pas seulement par leurs qualités d’exécution que les recherches d’Helman méritent d’être soulignées et commentées, mais aussi par l’originalité conceptuelle qui les justifie. Lucide, réfléchi et parfaitement conscient des problèmes que la peinture pose à ceux qui la pratiquent aujourd’hui, Robert Helman poursuit, dans une voie bien à lui, une aventure picturale absolument authentique commencée voici déjà longtemps. Pour lui et cela est de plus en plus sensible au fur et à mesure de son évolution, tout se ramène à l’espace mais pas à n’importe quel espace, à un espace plastique dont les portes lui seraient ouvertes grâce aux rythmes de sa graphie et à la lumière des gammes chromatiques utilisées. Car dans ses toiles non seulement les rythmes graphiques remplacent les structures classiques différenciatrices de plans, mais au lieu d’être extérieurs, comme ces dernières, à cette sorte d’union mystique qui unit le peintre à sa création, ils la symbolisent, au contraire, dans des cadences lyriques et emportées, mais toujours sensibles, qui sont comme les protections des pulsions qui mobilisent son énergie. En outre, le graphisme de ce peintre qui avec d’autres facteurs depuis longtemps mis à leur place exacte, la matière par exemple, détermine son expression particulière ne procède nullement comme c’est le cas pour beaucoup, d’un agrandissement de signes tracés à l’échelle de la main ou d’une interprétation naturaliste néo-classique. Pour ce qui regarde ce dernier point, d’ailleurs, le cas est clair. N’ayant jamais subi l’influence cubiste, Helman ne considère pas la forme comme une structure logique destinée à être analysée. L’équilibre de ses oeuvres ne saurait donc être le résultat d’une décomposition puis d’une recomposition, mais d’une obéissance volontaire des rythmes instinctifs. Ainsi son écriture est-elle considérée dans ses motivations et son essence. Ample, puissante, vibrante, violente même, elle est le contraire d’une interprétation. On peut la définir comme la manifestation directe et naturelle, une empreinte, presque sans aucune altération, de la constitution organique et humaine de l’artiste. N’étant pas la démultiplication ni l’agrandissement d’un signe, elle fixe, dans ses dimensions exactes, le geste du peintre. Elle en est la réplique fidèle et précise, En outre, elle concrétise picturalement sur la toile la trace abstraite d’un mouvement et d’une certaine qualité de mouvement. Par son intermédiaire, le peintre matérialise l’immatériel et accorde à l’espace la masse et le poids d’un objet. Issue d’une organisation humaine (Helman en l’occurrence), les dimensions de cette écriture et ses rythmes aussi, se confondent donc avec ceux de la physiologie et de la psychologie du peintre. Mais, expression gestuelle et restitution rythmique d’un mouvement à partir de normes organiques, le graphisme d’Helman n’est au fond qu’un des moyens dont il use afin de définir son propre espace plastique. Le deuxième moyen est la lumière. Cela explique que la couleur ne soit envisagée par Helman, dans son oeuvre, que comme un simple véhicule, le véhicule de la lumière. Car un ocre ou un vert d’Helman, avant d’être un ocre ou un vert, sont d’abord les détenteurs d’un certain potentiel et d’une certaine quantité de lumière. Cela explique le côté insolite parfois de ses rapports de couleurs jamais choisis en fonction de leur tonalité, mais de leur sonorité. Résultats d’une heureuse conjonction entre un parti pris d’économie dans les moyens et une rare puissance dans l’emploi de ceux-ci, les oeuvres récentes d’Helman portent la marque non seulement d’une intellectualité théorique, mais d’un tempérament plastique exceptionnel.
Robert Helman, par Denys Chevalier (Art et architecture, no 24, déc 1959)