Michel Deverne
Michel Deverne est né le 8 août 1927. En 1946, il suit les cours de l’atelier Saint-Saëns à l’Ecole des Arts Décoratifs, après un an de classe préparatoire dans l’atelier Charpentier.
En 1949, il entre aux Beaux-Arts de Paris dans les ateliers de Ducos de La Haille, Marcel Gromaire, Marcel Gimond et René Auriscoste. Deverne suit une formation à l’Académie Julian en 1950. À partir de 1954, il est l’assistant du célèbre affichiste Jean Carlu.
De 1976 à 1994, il enseigne à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts Paris-Tolbiac. En 1983, l’Académie d’architecture lui décerne la médaille d’argent des Arts Plastiques.
En 1953, une exposition particulière lui est consacrée à Dakar.
Expositions
- Centre d’Art et de Recherche Plastique Architecturale (A.R.P.A)
- Salon des Artistes Décorateurs (S.A.D) 1968
- Biennale Sud 92
- Salon des Réalités Nouvelles 1969, 1982
- Exposition Le Mur-Vivant
- Salon Grands et Jeunes d’Aujourd’hui (1980, 1983)
- Salon d’Automne.
Bibliographie
- Revue AD, no , mai 2005
- Dictionnaire des peintres et sculpteurs, Bénézit, Ed Gründ, 1999
- Monographie portfolio avec texte de Gérard Xuriguera.
Commandes Publiques
- Siège social Pechiney-Ugine, Paris
- Paris - La Défense (reliefs de la salle d’échanges du RER et décoration des cheminées de ventilation)
- Ambassade de France au Pakistan
- « Petite Planète », Fontaine-mosaïque de la place de Belgique, La Garenne-Colombes, 1983
- obélisque, acier corten, Fontainebleau/Avon, 1988
- L’Araignée, acier corten, Avignon, Cours Président Kennedy, 1987
- Vibration Chromatique, marqueterie polychrome aluminium, Bordeaux, Salle de Conseil, Communauté urbaine, 1980
- Monument à l’indépendance du Togo, acier chromé, Lomé, 1977
- Relief laiton, Résidence du Président Houphouët-Boigny, Yamoussoukro, 1977
- Mosaïque, avenue André Prothin, Paris - La Défense 4, 1986
- La grande mosaïque, Paris - La Défense « Les Miroirs », 1980/1981
- Mosaïque grès & émaux, Siège social de Saint Gobain et Rhône Poulenc, 1981
- Volières pour Immeuble des Archives des Hauts-de-Seine, immeuble administratif B.N.P, Seine Saint Denis, Ecole Maternelle, Hauts-de-Seine.
- Obélisque « dynamique », autoroute Paris /Rhin/Rhône, Dijon St Apollinaire, 1988
- Totem Béton, Jardin de la sous-préfecture des Hauts-de-Seine, Boulogne, 1979
- Totem, acier inoxydable, Ecole d’ingénieurs de Brest, 1977
- Pyramide hélicoïdale, Lycée de Wissembourg, 1977
- Relief béton, projet pour Cokerie Paris/sud, 1964
- Relief marbre de Carrare, Rue Lecourbe Paris, 1975
- Relief aluminium, Institut de Développement Industriel, Neuilly-sur-Seine, 1971
- Relief acier laqué, projet pour barrage Pierre-Bénite, Lyon
- Relief aluminium pour Esso, Paris - La Défense RER, 1970
- Relief aluminium, Etude pour le ministère des télécommunications du Maroc, Rabat 1972
- Relief aluminium camaïeu brun, Parinor, 1974
- Grilles acier inoxydable, Projet palais présidentiel du Cameroun
- Mosaïque, grès & émaux, Lycée de Creil, 1978
- Centre d’apprentissage de Remiremont, Groupe scolaire de Vagney, Groupe scolaire de Carrières-sur-Seine, Groupe scolaire de Aulnay-sous-Bois, Groupe scolaire de Bondy, Groupe scolaire de Lagny, C.E.S de Quimper, C.E.S de Coulounieix-Chemiers
- Rotterdam, Tel-Aviv, New-York …
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Texte revue A.D mai 2005
Certaines habitations ont l’avantage de refléter l’âme et le tempérament de ceux qui y vivent. Le vaisseau de béton conçu et habité par Michel Deverne répond à cette catégorie, tant elle se lit comme un récit autobiographique. Villa lumière édifiée avec poésie et sens de l’adaptation, cette composition se capte dès l’entrée, le visiteur s’étonnant de se découvrir à l’intérieur et à l’extérieur d’une carapace de verre qui l’enveloppe comme un manteau transparent. Des formes angulaires et circulaires créent des espaces à ciel ouvert modulant la lumière qui carie à tout instant grâce aux baies vitrées et aux verrières. Ici, plutôt que de s’imposer d’emblée, l’esthétique s’insinue doucement. Tables et cheminée en béton s’incrustent dans le décor ambiant. Des portes légèrement ouvertes laissent entrevoir la suite, chambres, salle de bains et cuisine : fidèle à Le Corbusier et son célèbre « une maison est une machine à vivre », Michel Deverne a multiplié les espaces de replis. Mais pas d’improvisation, et encore moins de laisser-aller. De la rigueur, et une extrême précision. De la tenue, beaucoup, presque de la retenue. Et l’impression d’un hommage, comme si l’on séjournait dans un projet expérimental du passé. Révérence aux modernistes tels que Walter Gropius et Ludwig Mies van der Rohe … Michel Deverne a orné l’espace de ses œuvres et de répliques de ses monumentaux totems.
En guise d’explication, un petit retour au passé s’impose. Dès la fin des années 50, après une formation à l’école des arts décoratifs puis aux beaux-Arts de Paris, l’artiste affiche son ambition de parvenir à une complète intégration des arts plastiques à l’architecture. Dépassant sa formation de peintre, il s’attache à la création de volumes gigantesques. L’élégance de ses reliefs en aluminium, puis en marbre, conquiert une multitude de clients : institutionnels comme des banques, centres commerciaux, hôtels, immeubles d’habitation. Adepte de la concision et de la clarté, il s’impose par des sculptures en expansion constante, gouvernée par un mouvement ondulant à base de spirales ou de demi-cercles donnant une impression d’élan et d’énergie sans limites. Les possibilités de l’aluminium sont exploitées au maximum avant de tourner la page et de s’orienter vers des matériaux plus chauds, comme la pâte de verre ou la terre cuite, et plus particulièrement les grès et émaux qu’il assemble par exemple en mosaïque pour une fontaine située à deux pas de la grande esplanade de La Défense. Au centre du groupe d’immeubles les Miroirs, sa mosaïque (1981), une composition constituée de quatre cylindres, culmine à vingt-quatre mètres !
A Montmorency, la maison garde trace de toutes ces œuvres dans un aimable terrier aux allures de nid d’aigle : le sous-sol. Laboratoire ou salles des machines ? Hublots et meurtrières horizontales illuminent les maquettes réalisées au millième. C’est une drôle d’impression que de contempler d’un coup d’œil, en enfilade, des décennies de création, comme si le temps n’existait pas, et qu’il était possible de piocher dans une malle aux trésors, de la taille d’une maison, où l’on ferait provision d’idées et d’émotions. De Michel Deverne, ceux qui le connaissent qu’il a la nostalgie d’un âge d’or alliant la force à la foi, la lumière à l’épaisseur, le goût de l’immédiat à celui de l’éternité. Le visiteur, franchissant la porte du retour, se dit que ces mots sonnent assez bien pour définir aussi son habitation atelier. Et qu’il n’y a pas que les totems pour établir un dialogue infini avec l’espace qui nous entoure.
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Texte par Gérard Xuriguera
Alliée de la concision et de la clarté, la sculpture de Deverne privilégie conjointement l’esprit de construction. En expansion constante, tantôt gouvernée par un mouvement ondulant à base de spirales ou de demi-cercles, tantôt par un mouvement étagé plus resserré, mais toujours très ordonné, elle conjugue la simplification de ses structures à la puissance retenue de ses enchainements et de ses ruptures. Et ces structures, soit levées en colonnes torsadées, soit posées en relief comme une floraison d’anneaux, de s’animer progressivement en jouant des pleins et des creux, de l’ombre et de la lumière, des oppositions entre les circuits alvéolaires, et de la somme des tensions visibles et invisibles qui en dispensent le flux étudié. La variété des ressources combinatoires de l’alphabet géométrique, manifestées par un aménagement spatial d’une grande finesse vibratoire, déploient ici, sans aucune rigidité, mais au contraire avec une légèreté aérée, leurs fastes austères.
Cependant, par la nature de ses composantes, le glissement en amont et en aval de ses forces directrices, ses éléments stratifiés résolument ascensionnels, autrement dit leur élan vers l’infini, une telle pratique appelle le monumental. Plus précisément pensée et conçue en vue de son intégration à l’architecture, elle unit création et fonction, car l’homme ne saurait vivre en niant ce qui l’environne.
Par ailleurs, même lorsqu’elle s’accommode de dimensions modestes, elle échappe au statut d’objet, parce qu’elle distille en permanence une énergie conquérante qui amplifie sa respiration en multipliant ses pouvoirs.
En outre, la répétition articulaire d’une forme identique, hélicoïdale, trapézoïdale ou rectangulaire, la juste appréciation des rapports et leur croissance irréductible, enrichissent cette impression d’élan hors limites.
Rien en effet n’y est clos, en suspens ou en arrêt, ni laissé au hasard, mais agencé patiemment à partir des antagonismes confrontés, bientôt fondus dans le respect des équilibres instaurés, avec une éloquence intérieure aussi rigoureuse qu’expérimentée.
A l’écart de toute anecdote, élaborée avec les moyens les plus quintessenciés, cette syntaxe dénuée d’effets indus, sait faire son profit des moindres déclivités, des moindres cambrures ou croisillons imprimés au matériau, ou encore de chaque excroissance, de chaque armature inclinée ou debout, pour instruire un vocabulaire qui porte sa marque propre.
La fausse froideur du métal : maillechort, aluminium, acier inoxydable ou cor-ten, permet au technicien fervent les plus exigeants alliages, les plus périlleux contrepoints, sans jamais circonvenir le rythme central de la composition, la condensation de son intensité, et par là, l’unité globale de l’oeuvre.
Enfin, lorsque la couleur intervient et habille les mosaïques ou les collages de ses atours pluriels, on retrouve le même sens de l’espace, la même tension des contraires, la même récurrence quasi-obsessionnelle des éléments déhanchés et ajustés selon leurs propriétés chromatiques, mais dans ces régions, c’est davantage l’harmoniste que le coloriste qui parle.
Entre couleur et non-couleur, depuis longtemps dotée de son ordre intérieur, la démarche de Deverne n’en finit pas de dialoguer avec l’espace qui nous entoure.
Tensions et vibrations dans la ville, Sculptures par Michel Deverne
18 octobre 2006 > 25 février 2007
Musée Carnavalet - Histoire de Paris
« Il s’agit pour moi de renouer le lien entre l’architecture et les arts plastiques (...) Comme il serait souhaitable de réintroduire l’oeuvre d’art dans l’architecture, les voir se compléter et dialoguer ».
Deverne consacre son activité de plasticien à l’art dans l’architecture et dans la Cité. Proche des cinétistes par son goût du mouvement, il est aussi sensible aux réflexions et aux solutions techniques proposées par les constructivistes telles que l’emploi de matériaux industriels. Il se réfère également à des héritages parmi les plus anciens de l’art : l’alliance de l’architecture et de la sculpture, mais aussi leur association avec la couleur, qu’il s’agisse de peinture, de matériaux polychromes, les effets de la lumière sur les matières, les surfaces et les volumes. Ces choix l’ont conduit à réaliser à l’échelle monumentale des oeuvres isolées, en ronde-bosse, en relief, ou intégrées à des architectures. Ses créations sont nombreuses à Paris et en Île-de-France.
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Depuis le milieu du XIXe siècle, le décor de la rue, soigneusement codifié, a surtout été constitué par ce qu’on appelle le « mobilier urbain », grilles, bancs et autres lanternes, dessinés avec art, mais fabriqués en série pour servir de points de repère dans la ville à l’indigène, comme à l’étranger. On a, du coup, un peu oublié que dans la rue, le décor doit aussi provoquer la surprise, l’admiration ou même le rejet. Deverne fait partie de ceux qui croient encore à l’oeuvre d’art dans la rue : ses totems, ses sculptures cinétiques, ses mosaïques en perpétuel mouvement selon l’heure du jour, loin du décor « en série », forment des « unica » dont le musée Carnavalet, conservatoire de l’histoire et de l’art de Paris, doit conserver le témoignage.
Jean-Marc Léri, directeur du musée Carnavalet
Les œuvres exposées au Musée Carnavalet
Les collages de Michel Deverne reflètent une influence certaine de l’art cinétique, fondé sur l’illusion d’optique et le mouvement virtuel de l’oeuvre dans l’oeil du spectateur. L’impression de déploiement naît d’un savant jeu graphique et de la combinaison de couleurs franches. S’il reconnaît cette influence, Deverne affirme aussi s’en détacher et poursuivre dans sa propre direction : « Ce qui me reste du cinétisme, c’est le sens du mouvement plus que l’illusion d’optique ».
Deverne utilise pour ces sculptures colonnes des plaques de plexiglas posées parallèlement les unes aux autres à intervalles croissants le long d’un axe central. Cet usage du plexiglas est étudié en fonction de possibilités d’éclairage : les plaques captent la lumière dont elles semblent être la source par illusion d’optique. Les effets lumineux complètent le mouvement général de torsion de la colonne qui paraît se déployer dans l’espace tant par son volume plastique que par la lumière qu’elle diffuse. La sculpture Colonne, en altuglas, a été présentée au Salon des Artistes Décorateurs en 1975.
Les reliefs sur panneaux, destinés à être placés sur une surface murale, renvoient à une démarche d’intégration des arts plastiques à l’architecture. Le choix de l’aluminium révèle son intérêt pour les matériaux industriels et les possibilités techniques et esthétiques qu’ils offrent. Les lames de métal sont glissées et collées dans des entailles pratiquées dans le panneau. Elles suivent un dessin rigoureusement ordonnancé qui crée un rythme tandis que leur inclinaison produit des effets d’ombre et de lumière animant la surface.
Fidèle à ses recherches sur la ligne et les volumes, Deverne dispose des faisceaux de lames de métal et les fait se déployer en cercles concentriques. Ce mouvement général crée un volume de demi-sphère. L’animation est encore renforcée par le jeu de la lumière sur les lames et la surface plane du support. « Je suis resté attaché à ce travail de la ligne et des volumes, c’est par la ligne que je vois le mieux ».
En dehors des études pour des projets précis, Deverne mène des recherches personnelles sur certaines formes et structures qui lui tiennent à coeur. Les obélisques ou totems sont pour lui l’occasion de superposer une même figure géométrique de taille croissante ou décroissante, de jouer de cette répétition, y ajouter parfois des effets de torsion ou d’inclinaison, afin d’animer la structure. Que ce type d’oeuvre soit de grande ou de petite taille, l’impression de dynamisme et d’extension renvoie toujours à une dimension architecturale et monumentale.
Dans certains de ses collages de papier sérigraphié et gouaché, la surface du panneau est entièrement couverte d’un module de la forme d’un B et semble animée d’une véritable vibration chromatique. La répétition du motif, la déclinaison des bruns et des bleus, la juxtaposition de valeurs opposées (clair et foncé) créent une riche impression de miroitement. La comparaison avec le grand relief en aluminium B permet de saisir toutes les possibilités qu’offrent les recherches de Deverne sur les variations et l’adaptation d’une même figure géométrique.
La grande mosaïque de La défense, qui couvre 2300 m2, est à l’heure actuelle considérée comme la plus grande oeuvre dans cette technique. Pour animer la surface de dix cylindres monumentaux, Deverne joue de l’opposition de valeurs claires et foncées, de la combinaison des couleurs bleu, vert, grège et brun, et d’un effet de relief par une technique de pose en écailles pour certains carreaux. Ce projet, réalisé au début des années 1980 dans le cadre de l’aménagement du quartier de La Défense, peut être considéré comme le manifeste de Deverne pour l’intégration des arts plastiques à l’architecture.